Mon hospitalisation pendant ma grossesse
Pour quelle raison avez-vous été hospitalisée ?
On est à la fin de mon second trismetre de grossesse.
Je suis hospitalisée à la suite d'un diabète gestationnel difficilement régulé. Par ailleurs, mon handicap a décompensé à partir du 4ème mois, me forçant à me déplacer principalement en fauteuil roulant. Mes douleurs se sont également majorées.
À l'arrivée de la sage-femme dans ma chambre, je lui ai fait part de plusieurs questionnements en cours. Ces interrogations sont le fruit d'une réflexion non seulement de ma part, mais également en commun avec mon compagnon. Précisons également que ce n'est pas ma première grossesse, ce qui fait que je compare forcément avec mon expérience précédente.

Quelles étaient vos interrogations ?
Comment, avec ma mobilité dégradée, pourrais-je adapter mes positions de portage, l'allaitement et les soins de puériculture quand ma fille sera née, pour qu'elle soit en sécurité ?
Le niveau de douleur est difficilement supportable. Comment pourrais-je gérer les derniers mois dans ces conditions ?
Quelles ressources aviez-vous déjà identifiées pour vous accompagner pendant cette grossesse ?
J’étais en lien avec une association de soutien à la parentalité des personnes handicapées (le centre Papillon, hélas disparu avec le COVID), et je travaillais avec leurs professionnels sur l'adaptation du matériel de puériculture, mais également sur l'apprentissage de gestes sécurisés avec un bébé.
Je cherchais donc plus un complément à cette ressource et, en toute franchise, un peu de réassurance.
Que vous a répondu la sage-femme ?
La posture de la sage-femme m'a interpellé assez rapidement. Elle a mélangé à plusieurs reprises les deux problématiques dans son discours, ne semblait pas prendre en compte ma connaissance de ce que je vivais au quotidien avec le handicap hors grossesse et pendant cette dernière, ne tenait pas compte des aides que j'avais déjà mises en place autour de moi…
Elle a fini par me demander "si je pourrais vraiment faire face une fois le bébé né, vu comme je me plains de mes douleurs aujourd'hui", et a commencé à évoquer un nécessaire suivi social, juste au cas où.
J’ai respiré un grand coup, m'astreignant au calme et à la courtoisie malgré mon envie de m'énerver.
Et voilà que la parole de trop a été prononcée par la gentille dame en blouse blanche : "Et puis, si vous acceptiez d'arrêter d'avoir mal, ça simplifierait tout, y compris pour votre enfant !"
Ah bah oui tiens, je n'y aurais pas pensé… je me suis permis une réponse un rien sarcastique "Je suis parfaitement d'accord. Et je suppose que vous avez le mode d'emploi ?"
Évidemment, mon accès d'humeur l'a ancré dans son raisonnement biaisé : je n’ai pas collaboré, je lui ai fait part d'inquiétudes sur ma prise en charge future du bébé, il était donc nécessaire de proposer une prise en charge sociale...
Bref, elle et moi n'avions pas les mêmes problématiques en tête.
Quelles informations et soutien attendiez-vous de la part d’un.e professionnel.le de santé ?
J’aurais souhaité une aide ou des réponses techniques, qui complètent si possible ce que le centre Papillon m'apportait déjà. Elle a précédé mes besoins en déduisant de mes propos que je ne saurais pas gérer la parentalité et qu'il me faudrait une aide médico-sociale.
Or ce qu'elle a pris pour de l'inquiétude de ma part n'était que de l'exposition d'une réflexion en cours sur le futur. Je savais que je saurais gérer, mais il fallait que j'ai plus d'éléments pour trouver comment. Et il me semblait pertinent de chercher ces pièces manquantes auprès d'une sage-femme !

Cette personne, pourtant soignante, ne semblait pas comprendre que la douleur n'est pas un état qu'on maîtrise à sa guise, mais une composante qui impose de moduler les activités en fonction de son intensité.
Je ne me "plaignais" pas d'avoir mal, ou plutôt si, parce que je n'ai pas à rester stoïque, mais je cherchais à trouver des méthodes pour économiser mes forces tout en protégeant ma fin de grossesse. Là encore, ne pas chercher entre les lignes et m'écouter simplement dans ma demande explicite aurait été plus respectueux et efficace.
Ce dernier point est revenu d'ailleurs régulièrement frontalement tout au long de mon suivi de grossesse, par cette sage-femme mais également par d'autres membres de l'équipe médicale, dont le gynécologue.
Je ne compte pas le nombre de fois où en quelques mois on m'a demandé d'arrêter d'avoir mal pour faciliter un examen, le rythme cardiaque de mon bébé, l'accouchement… mais personne n'a eu le bon goût de m'indiquer le bouton on/off.
Quel a été l'impact de cet accompagnement à court, moyen et long terme ?
A court terme, j’ai dû puiser dans mes ressources pour imaginer des solutions, faire des recherches, y compris sur des aspects très pointus. Or ces ressources, mon état et ma douleur me les retiraient. Donc cela a majoré mon stress au pire moment possible.
A moyen terme, la relation de confiance avec cette soignante a été très affaiblie, ainsi qu'avec le reste de l’équipe. Résultat, le dialogue de sourds a continué.
A long terme, ça a également installé en moi des doutes, à l’origine absents, sur mes capacités parentales. Et dans un cercle vicieux, ça a entretenu les mêmes doutes, puis fausses certitudes, chez tous les professionnels de santé qui m’accompagnaient, qui ont donc basculé sur une prise en charge de plus en plus délétère.
Ce que la sage-femme aurait dû faire selon moi :
Entendre mes interrogations sans les extrapoler. Si elle n’avait pas les réponses sur l’instant, temporiser en me proposant de faire des recherches et de revenir vers moi.
Accepter mon expertise d’une situation singulière, la mienne, renforcée par une première expérience de grossesse/parentalité.
Pour aller plus loin
"Accueil, accompagnement et organisation des soins en établissement de santé pour les personnes en situation de handicap", guide méthologique, HAS : cliquez ici
"Accompagnement des personnes en situation de handicap : un kit pédagogique pour les professionnels", Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) : cliquez ici